On ne mangeait plus que des ondes. Nos oreilles écoutaient une musique palpable, mousseuse et compacte. Une musique qu'on pouvait tenir dans les mains et presser fort avec les doigts. Puis on s'est mis a manger de l'eau, pour finir on a bu des sons. C'est difficile de se souvenir à quel moment les choses ont commencé à s'inverser. D'abord les théières ont cessé de faire couler le thé parce que le thé n'existait plus. Ou bien il s'était transformé en lettre, ou en quelque chose de plus dur, peu importe. L'essentiel c'est qu'un jour on s'est réveillé, c'était demain, il n'y avait plus de thé. A la place il y avait du bruit.
On ne pouvait plus croquer dans un fruit, ils étaient devenus aussi inconsistants qu'un logiciel. Je ne me souviens plus de la première fois. Ca a ensuite été le tour des odeurs de se métamorphoser, les effluves sont devenues des coulées de ciment. On marchait dans la rue en sentant le parfum de la poissonnerie lorsque subitement on sentait du poisson passer dans les narines sous la forme d'un épais liquide, une pâte d'odeur en quelques sortes. C'était demain. On cherchera ou on allait.
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