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mardi 17 juin 2014

La bouche en pierre



Les lieux sont l'exacte opposé des personnes. Les bâtiments n'ont pas, derrière leurs murs, de pensées insondables ou de regards moqueurs. Les baraques n'ont peur de rien, les buildings n'ont pas d'égo, et aucun sous-sol ne se sous-estime. Un lieu, un espace ne vous abandonne pas pour déplacer sa masse ailleurs. Vous effleurez le relief poreux de ses briques, vous ne lui ferez jamais de mal, votre souffle se perd sur l'arrête de chaque angle, vous pouvez l'aimer à en perdre haleine, le laisser pourrir ou le sublimer peu importe. C'est bien connu : les murs, les sols et les plafonds ne pleurent jamais.

Les lieux ne font pas de promesse, ils n'attendent rien de vous pourtant ils vous attendent. Vous pouvez quitter un espace, le retrouver douze ans plus tard, rien d'autre n'aura coulé sous leurs ponts que du temps, pas de larmes pas de sang.
Parfois ils vous ressemblent : Leurs corps dégingandés, leurs salles trop vides, trop pleines, leurs orifices absurdes et leur toit poussiéreux vous rappelle vaguement vos organes. Mais quand tout disparait, quand rien n'est plus palpable autour de vous que l'odeur du chaos, vous reposez la courbure de votre âme contre quelque chose de solide. C'est toujours un mur et c'est toujours un lieu.


Il est seize heure et votre peau colle au granit de cet espace, de votre sueur en orbite vous sentez désormais la masse. C'est le monde des hommes qui vous quitte quand celui des briques vous enlace.

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