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lundi 18 mars 2013


On ne meurt pas qu'une fois. Toi, c'est comme si tu mourrais de nouveau à chaque fois que quelqu'un parle de toi. Et cette histoire de deuil n'a aucun sens, c'est comme demander l'heure à un caillou. Vous seriez surpris, j'en suis sure, si on étalait sous vos yeux tout les objets que vous avez oublié. Par oublier je veux dire disparaitre, tout ce qui n'existait que dans vos souvenirs et qui chaque jour, retourne au néant. Dans mon cas il reste quelque chose de palpable, un objet concret qui passe ses heures à rappeler ta présence, le tissus de tes blouses, l'odeur de tes mouchoirs. Cet objet palpable,  c'est une maison.

C'est une maison plantée au bord d'une route ou les voitures ne passent presque jamais. Je ne sais pas si elle est toujours autant fleurie aujourd'hui, sans doute qu'il lui manque la plus belle des pivoines, mais la maison est encore là. Elle est si bien enracinée qu'elle a vu nombre d'enfants naître, courir, manger des prunes en son grenier. Elle est remplie d'objets solides, trop vieux pour avoir connu les lois de l'obsolescence programmée, des cafetières éternelles et des moulins à poivre incassables. Elle tient fièrement ses tuiles sous les tempêtes du Nord, renferme des odeurs capables de réanimer mes souvenirs disparus. Sous ses allures de vieille bicoque, c'est une maison magique. Une machine à remonter le temps.

Son grenier t'emmène en voyage, mais fais attention ou tu mets les pieds. Il y règne une odeur de foin et de vieux bois qui vaut des millions de dollars. Sa cuisine n'oublie pas qu'elle avait huit gamines pour y faire la vaisselle en disant des bêtises. Surtout, il y a une chose qui me noue le ventre quand j'y pense : Il y a dans la maison une seule et unique horloge, qui a toujours donné l'heure avec cinq minutes en trop. Ces cinq minutes sont fantastiques, elles n'existent qu'ici, bien sur tout le monde savait qu'il fallait faire une soustraction pour connaitre l'heure véritable, mais personne n'a jamais changé ce détail, jamais, à aucun changement d'heure.

Dans le salon, il y a un canapé ou tout le monde a deja fait une sieste pour fuir la promenade du dimanche. Dans les chambres, des odeurs d'eau de cologne et de lessive. Des puzzles incomplets dans le fond des armoires, des cahiers d'école, et puis cette boite de dominos.

Tu peux me donner tout l'argent du monde, ça n'aurait jamais la valeur de cette maison. C'est une baguette magique et un bateau pirate, à la fois un château et une cabane, en tous cas elle possède quelque chose que nous ne possédons pas : Elle est immortelle. Elle reste, à l'heure tout fout le camps.

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