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dimanche 16 avril 2017

Laboratoire de l'insolence



C'est toujours dans des lieux en friche, des murs en béton qui s'éffritent sous des couches de peinture vandales. C'est toujours dans des squats ou dans la cour des miracles qu'on voit brûler la flamme des expérimentations dans l'éprouvette improvisée.

Ils portent des sweats à capuche et parfois un anneau d'acier à l'oreille, ils déambulent dans le laboratoire en ruines, à la recherche de la prochaine expérience à tenter, du prochain cri à pousser trop fort.

Au coeur d'un siècle d'une laideur incroyable ils questionnent la norme et le beau, fendus d'un espoir sans chaleur et d'une passion désintéressée. Ils font courir leurs doigts longilignes sur des synthé poussiéreux, le mégot d'une roulée accroché à leurs levres sèches, les yeux fermés et le coeur qui balance. Ca, c'est toujours dans des lieux en friche.
Ca me touche parce que leur désir du verbe faire est sauvage au plus haut point, sans aucune trace d'égo ou d'ascension, de la dévotion pure, sans colorants ni conservateurs.

Ils sont nés une année bissextile et ils bidouillent en bipolaire dans le labo de l'insolence. Ils cherchent à pousser des hurlements silencieux, à faire de la musique qui ne s'écoute pas, à inventer des mots qu'on ne peut pas dire. Alors ils font glisser l'archer d'un violon sur le manche d'une guitare, alors ils mangent avec les doigts, dessinent avec les pieds, jouent du piano avec les dents, provoquent des sons gigantesques avec des mouvements minuscules. Pour faire entrer deux mondes en collision : l'asphalte et le cosmos. Pour effleurer du bout des doigts les nébuleuses et les trous noirs.

Je vois des tigres bondir hors de leur ventre, des crocodiles la gueule ouverte. Je vois les murs qui tremblent et tout ça n'a tellement pas de sens que ça donne presque envie de pleurer d'une joie pure et froide, au coeur de ce siècle d'une laideur incroyable.

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