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vendredi 29 janvier 2016

Martine, face B.




Une ligne d'encre noire lui traverse le front de façon verticale, scindant ainsi le personnage en deux. C'est deux moitiés parfaitement distinctes dont la fusion est un véritable spectacle, je ne me lasse pas de l'observer. C'est comme ces cassettes audio qu'il faut prendre la peine de retourner pour connaître la fin de toutes ses symphonies. Martine face A. Martine face B.

Martine, face A. C'est la petite femme aux gestes chirurgicaux et au regard solide. C'est l'élégance d'un pantalon à pinces, un port de tête impeccable, les épaules en arrière et le torse en avant, avec parfois ce long et délicat battement de cils qui, alors qu'elle est plus petite que vous tous, peut vous toiser de haut. Martine face A vous intimide, elle a les mots justes et le point à la ligne, parfois l'insolence et le poing dans ta gueule. Martine face A, c'est la connaissance précise des outils qu'elle manipule, une armoire ordonnée et compartimentée quand il s'agit du monde physique qui l'entoure. C'est donner une place à chaque chose et une chance à chacun. Martine face A peut vous sembler inabordable, c'est parce qu'elle déborde d'élégance et qu'elle a quelque chose de mondain même lorsqu'elle se trouve hors du monde. Pour tout ça, il arrive souvent qu'elle vous fasse rougir avant même que vous n'ayez osé retourner la cassette, mais moi. Je suis un baladeur auto-reverse, alors je vais vous raconter.

Martine face B, c'est un coeur impossible à briser. Tu peux frapper de toutes tes forces, l'espoir est fermement encré dans ses entrailles et tu n'y changeras rien. Elle brulera encore pour chaque étincelle, elle plongera la tête la première dans les coins ou ça brille, et sans jamais cesser d'y croire. Si tu la fais tomber dans la boue, elle se relèvera peut-être comme une enfant maladroite, frottera sans doute les débris de terre sur sa jupe en fronçant les sourcils,  mais tu n'auras pas brisé sa confiance, pas même égratigné la quantité d'amour qu'elle peut donner. Si Martine face A te crache de l'encre noire à la figure en dansant avec son scalpel, c'est surtout par amour de la scénographie. Parce que Martine, Face B, elle crache surtout de l'amour pur.

Elle a dans les yeux des ouragans bleu-gris, la gestuelle d'une danseuse contemporaine et le rire d'une enfant pas sage. Elle ne simule jamais, elle n'a peur de rien.

Martine face B c'est un muffin qui éclate de rire et de pleurs, comme ça pour rien, parce qu'une enfant la remercie ou parce qu'un type montre ses tripes.  Martine face B c'est une adolescente. Qui tombe amoureuse à répétition, qui voit du beau là ou d'autres n'avaient rien vu,  et quand ça recommence c'est jamais moins fort pour autant, c'est jamais pour faire semblant. Martine face B c'est, dans le ventre, des maisons qui brûlent d'amour, un savoir-vibrer à en mourir, c'est le monde qui tremble et l'extase des cinq sens qui appelle à l'exode. C'est un petit soldat mêlé d'une poupée de chiffon, mais des chiffons de luxe, et un soldat de plomb.

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