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samedi 10 décembre 2016

Faut bien qu'ils brillent



C'est vrai que c'est joli cette pellicule humide sur l'asphalte qui s'ennuie de n'être que bitume. Ca fait des yeux qui s'y perdent, des paupières qui tombent en cascade, ça fait des arrêt sur image, ou sur orage selon la saison. C'est vrai que c'est joli, et ça devrait suffire.

C'est vrai qu'on a machinalement les doigts qui fouillent le fond des poches, les ongles qui grattent la feutrine pour pas gratter ailleurs, et le regard qui fuit parfois, c'est vrai. Quand on fait semblant sans le faire exprès, parce qu'on nous a appris, et parce que c'est resté. Dans les gènes, dans les os, dans le ventre et le coeur ça s'est bien accroché, cette manie qu'on nous a filé, de contenir plutôt que d'imploser. 

Recipient sous pression. Ne pas exposer à la chaleur. Tenir loin de la portée des enfants.

Heureusement y'a cette pellicule humide partout sur les pavés, et quand il fait nuit noire ça ressemble à la voix lactée, il suffit de plisser les yeux. C'est vrai que c'est joli, et ça devrait suffire.

C'est vrai qu'on forme une bande de bras-cassés, et sacrément nombreuse la bande. Le gang des amputés, la meute des enfants-creux, tout un tas de surnoms pour ceux qui ont oublié comment ils s'appellent. Mais y'a quand même sur leurs pupilles cette pellicule humide, et quand on plisse les yeux, ça fait des nébuleuses, ça les rend un peu cosmonautes.  Et ça devrait suffire.

C'est vrai qu'avoir le ventre en ballon de baudruche, c'est monnaie courante sur le bateau des détraqués. C'est qu'on y planque des océans, des tempêtes, des volcans, des sac de billes et des jolis cailloux, des cicatrices jolies et des trésors sordides. Des trucs qu'on ramasse quoi. Parce que c'est vrai que c'est joli.

Et ça devrait suffire.

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