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jeudi 15 septembre 2016

La bouche en coeur.



En même temps qu'on lève de nouveau un voile, en même temps qu'on arrache encore une couche épaisse de ce qui nous séparait de l'essentiel, on t'enlève les mots de la bouche.

On t'enlève les mots de la bouche et tu peux à présent sentir ce vide entre ta langue et ton palais. Un espace qui jusqu'ici était entièrement habité par une masse compacte de VERBE, une bouillie de phrases prête à bondir en permanence hors de la barrière de dents, une MASSE qui pensait tout savoir, une forme orgueilleuse qui t'engourdissait le palais. Cet espace dans ta bouche était rempli par une syntaxe arrogante, paradant le menton levé sur les trottoirs relationnels, vendant son corps sur la place publique des conversations, pleine et ronde de la sensation d'avoir réponse à tout.

Enfin, on t'enlève les mots de la bouche, et tu restes planté là devant tant de grandeur, retrouvant ton essence minuscule, le ventre abritant des volcans de silence, les lèvres sèches, la bouche pâteuse bien évidemment. Enfin ! On t'enlève les mots de la bouche.

C'est un spectacle si impressionnant qui se joue sous tes yeux, que pour la première fois tu ne trouves aucun mot. Tous ceux de ta connaissance semblent subitement loin de tout, trop distancés des choses réelles qu'ils semblent vouloir désigner. Tous les mots du monde se sont subitement envolés et tu mesures le poids de leur insuffisance. Tu te retrouves donc là, toi qui pensait pouvoir tout DIRE, et dans cet espace minuscule entre tes deux lèvres on n'entend plus rien
Que le bruit du vent 
Soufflant sur les choses.


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