lundi 20 avril 2015
Structure Interstellaire
Le Batracien a dans les yeux la couleur de l'argile et celle des feuilles de lierre, la colorimétrie de sa rétine se situe quelque part entre savane et marécage. Il y a surtout cet éclat de lumière qu'on ne trouve que rarement dans le regard des gens, une douceur malicieuse surplombée de longs cils qui s'ouvrent et se ferment selon qu'il désire voir, ou ne pas voir. Mais c'est un peu facile de commencer le portrait de quelqu'un par les yeux. Alors marchons plutôt à l'épicentre de celui qui disait, inquiet : " J'ai l'impression de n'être qu'une structure."
Parlons donc en terme de structure. Admettons que le Batracien soit un bâtiment. Je peux vous en faire le portrait robot, le plan d'architecture de ce que j'en perçois : Le centre de la bâtisse est sans aucun doute un cerveau bouillonnant, un système électrique puissant et complexe qu'il ne parvient pas à dissimuler sous ses attitudes discrètes. Une immense bouilloire qui siffle en permanence de l'éclat de l'idée, la création d'idée, la naissance d'une idée, le surnombre d'idées. Une idée par seconde, par nanoseconde, et des yeux doux qui ne cachent rien de tout le mécanisme en action là derrière. Le Batracien calcule, compose, observe, analyse en permanence d'un regard acéré. Quand on le rencontre, on s'aperçoit bien vite que l'on a affaire à quelqu'un de précis. Je pense que l'impression provient d'un certain débit de parole, une certaine ponctuation, un temps d'arrêt avant de nommer quelque chose d'important. Des mots justes et clairs, une diction qui laisse transparaitre le besoin d'appeler chaque chose par son nom, de connaitre ces choses jusque dans leurs entrailles.
Admettons que le Batracien soit un bâtiment, soit, mais cela me fait rire. Avez vous déjà vu un bâtiment qui pense ? Au premier regard, il serait peut-être un building vêtu de gris, ne cherchant pas à attirer l'attention de l'immeuble voisin de par un look extravagant. Au deuxième regard, on s'aperçoit que pourtant, cette baraque, c'est l'extravag:ance même. Dans quelques détails légers mais suffisant le Batracien s'est démarqué et désigne son camps. Deux morceaux de métal savamment posés sur son visage, précision là encore, et toujours cette douceur qui danse le slow avec un démon quelque part. Mais dis moi, Batracien, les Structures ont-elles un regard ?
Au rez-de-chaussée du Batracien on trouve des ténèbres par milliers. La cave, quoi. Une ampoule cassée au plafond, beaucoup de noirceur et des vieilles caisses qui trainent. Mais là encore : Rien n'est dissimulée, aucune arnaque immobilière. La bâtisse prend ses fondations sur un terrain obscur, comme toutes les batisses, mais elle ne s'en cache pas. Aucun doute : Nous avons là affaire à une maison honnête. Chose rare, dans l'immobilier.
le Batracien est traversé des pieds à la tête par un escalier gigantesque. Un escalier de lignes droites, d'angles à gogo, des points de fuites en noir et blanc, des marches en illusion d'optique qui pique, des marches parfaitement géométriques tracées à main levée, précise, levée, assise. L'escalier, c'est le plus bel atout du Batracien. Sa colonne vertébrale en quelques sortes. C'est une création permanente, qui prend naissance dans le cerveau-circuit-éléctrique et qui n'en finit par de créer, de croquer, de toquer, de voler, de s'étendre. L'escalier, c'est l'oeuvre de toute une vie.
La Batracien c'est des calculs et des phrases mélangées. Ca veut dire que dans ses yeux, y'a autant de Poèmes que de Mathématiques. Dans certaines de ses attitudes, sa façon de bouger et de ponctuer ses phrases, il est déjà Personnage sans en être conscient. Il a ce truc qu'ont parfois les timides, leur façon d'habiter pleinement un lieu, de remplir une pièce complètement juste en étant là, tout en s'y faisant très discret.
Le Batracien a des centres d'intérêt completements bizarroïdes. Il collectionne les livres de schéma mécaniques, les images de grenouille qu'il trouve sur internet, et il a, comme moi, une certaine fascination pour le mot "tubulaire". Il est capable de s'émerveiller devant un cylindre ou un moteur comme un enfant devant un feu d'artifice. Tout à coup, il s'avère qu'il connait la terminologie exacte d'un bon nombre de plantes, de fleurs et d'arbres. Le fonctionnement précis d'un tas de processus complexes, de la biologie à la science en passant par la littérature. Le centre de la batisse du Batracien, c'est la cervelle et la mémoire. A moins que.
A moins qu'en longeant l'escalier vous ne trouviez le coeur du Personnage. J'ai bien dis le coeur. De tout le Batracien c'est la pièce la plus grande, mais dis moi, Batracien les Structures ont-elles un regard ? La métaphore est ridicule. Les maisons ne sont pas Personnage, les maisons ne sont pas Cultivées, les maisons n'ont ni peur, ni vocabulaire, les maisons ne savourent pas du bout de la langue les syllabes du mot : tubulaire. Allez, Grenouille, si tu n'es que Structure je veux bien être morte, si tu avais des murs ça ne seraient que des portes.
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