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jeudi 14 février 2013

Retour vers le cyanure.



Le ronronnement ancestrale d'un ordinateur qui m'a vu grandir et cracher. D'un clavier sur lequel j'ai tué tant de personnages, tant d'histoires d'amour qu'il faudrait en faire un autel. L'odeur du bois et de la cuisine, l'odeur des femmes seules avec la télévision sans le son, les coussins joliment assortis, le charme d'un meuble a demi poncé, d'une bouteille de vin blanc qui se boit sur plusieurs jours. L'élégance des choses minuscules, du pas-à-pas, du peu-à-peu, du périssable en culotte courte. 
Les chuchotements d'une ville dont j'avais oublié le visage et qui sort, lentement, la tête de sous la table quand l'insoumise lumière vient lui gifler la face. C'est une lumière trop blanche, une lumière du Nord qui n'attend pas qu'on se prélasse sous ses aisselles pour être là, et pour tomber. Elle vient s'enrouler sur les dentelles d'une cathédrale que j'avais toujours vu, sans jamais regarder. Elle vient s'étendre comme une langue immense, lécher les pavés imparfaits des ruelles qui ne savent plus ou se situer entre tristesse et élégance, entre mon adoration et mon dédain. Il y une femme sous les voutes de la rue des Carmes, elle a le visage d'un marteau. Elle murmure des secrets avec ses doigts, à l'oreille d'un accordéon qui répond en paradis à ce qu'elle semble lui demander en nuages. Et je voudrais parler de sa voix qui, à l'image du marteau-visage, n'a de cesse de frapper et qui raisonne encore dans les rondeurs de ma théière. 

L'immensité dégueulasse de la Seine qui déborde. La magnificence de son horrible couleur indescriptible. L'étrange spectacle du néant qui s'active en citoyen. L'extrême jouissance que peut procurer la vue de quelqu'un qu'on a vaguement connu il y a des années et qui se trouve aujourd'hui dans cette même rue, avec plus ou moins les mêmes vêtements, le même visage. La relativité extrême du temps qui passe à certains endroits, et qui s'arrête à d'autres. Le mystère d'une mercerie qui vend les mêmes boutons en nacre depuis douze ans et qui existe encore. L'immondice des grands magasins qui, d'un pays à l'autre, viennent homogénéiser le paysage. Le sentiment bizarre d'une ville colonisée par des produits. Le sourire d'un zonard qui d'une main fume une roulée, de l'autre caresse tendrement son chien.

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